La ville des écrivains - Parigi Controcorrente 2020

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Paris est une ville littéraire par excellence, un pôle d’attraction pour les artistes, les écrivains et les philosophes. Nombreux sont ceux qui ont écrit à son sujet et ceux qui en ont fait le lieu de leurs errances, de leurs aventures, de leurs rencontres, de leurs surprises, du réel et du fantastique! On pourrait dire qu’il existe plusieurs Paris littéraires, tellement il y a eu de poètes et d’écrivains qui en ont fait une source d’inspiration et de description.                                                       
Au fil des siècles, la ville a été le symbole d’une forme de civilisation et d’un mode de vie unique. En effet, le pouvoir de séduction qu’elle exerce réside aussi dans la manière dont les lieux ont été reconstitués et racontés dans les livres.
Par exemple, c’est à travers les poèmes et les textes de François Villon que nous découvrons le Paris médiéval et la vie qui s’y menait. Nous connaissons surtout celle du Quartier latin dont il décrit les rues sombres et étroites, les égouts à ciel ouvert, les vieilles maisons aux poutres apparentes, les habitants de la cour des miracles, les maraudeurs en bande organisée...

Villon avait coutume de se rendre à la taverne Pomme de Pin, où il mangeait et jouait aux dés, ainsi qu’au Grand Godet pour prendre un verre de vin. Ou alors, il passait la journée à la gargote Pierre- au-Lait, près de Saint-Jacques-la-Boucherie, où il bavardait avec d’autres écrivains. Le soir, il se promenait le long de la Seine et passait par l’abreuvoir Popin, qu’il s’imaginait rempli de vin. Parfois, il allait jusqu’au cimetière des Innocents, où l’effervescence et les allées et venues des prostituées se mêlaient au silence des morts. François Rabelais habitait à l’hôtel Saint-Denis, dans le Quartier latin. Pour lui, la ville ressemblait à une scène, comme il nous fait découvrir dans Gargantua et Pantagruel. Rabelais commençait ses promenades rue de la Huchete – d’après l’orthographe de l’époque – se dirigeait vers l’église S. Séverin puis empruntait la rue Bout de Brie et la rue du Foin. Il passait ensuite devant l’hôtel de Clugni – toujours selon l’orthographe de l’époque – et rejoignait la rue de la Parcheminerie, en direction du collège de La Sorbonne.... Dans Gargantua et Pantagruel, Rabelais raconte comment, lors des inondations, les habitants se réfugièrent sur la place du collège Coqueret, là où se retrouvaient les écrivains, appelés plus tard ceux de la Pléiade. Il y avait Pierre de Ronsart, Joachim du Bellay et d’autres encore qui voulaient réformer la langue française, mais Rabelais se moquait royalement de cette nouvelle langue, qu’il trouvait ridicule, une sorte de latin macaronique...

À Paris, le XVIIème siècle fut le siècle des salons littéraires. L’un des plus renommés était celui de la reine Marguerite qui recevait dans son palais du quai Malaquais. Les poètes et les écrivains invités chantaient la beauté des dames présentes et la gloire des hommes. Ils étaient alors ridiculisés par les auteurs satiriques qui se moquaient de leur poésie pompeuse. Le XVIIIème siècle fut aussi celui des salons. La marquise de Lambert recevait à l’hôtel de Nevers, situé au numéro 56 de la rue de Richelieu, et devenu plus tard le siège de la Bibliothèque Nationale. En 1750, l’hôtel de Madame Geoffrin, situé au numéro 374 de la rue Saint-Honoré, était fréquenté, entre autres, par Montesquieu et Voltaire... Sur l’autre rive de la Seine, la marquise du Deffand recevait les encyclopédistes, dont d’Alembert, qui apportaient leur savoir et les lumières de leur intelligence. Quant au salon de la marquise de Rambouillet, on y lisait des pages de romans puis on discutait du style et de la syntaxe.

Dans la première moitié du XIXème siècle, la Rochefoucault, Alfred de Vigny, Chateaubriand,  
Mérimée et Alphonse Daudet fréquentaient le salon de Madame Ancelot. En revanche, au numéro 9 de la rue des Mathurins, dans le quartier Saint-Honoré, Lamartine, Eugène Sue et Custine se retrouvaient chez Sophie Gay. De 1814 à 1849, le salon de Madame Récamier situé au numéro 16 de la rue de Sèvres accueillait Arago, Benjamin Constant et parfois Stendhal. Après la mort de Madame Récamier, ces derniers se rendirent dans un salon plus pauvre, celui de Louise Colet, situé dans la même rue, où venaient aussi Gautier, Dumas et quelquefois Flaubert. La princesse Cristina Trivulzio de Belgiojoso, pendant les années où elle vécut à Paris, avait son salon rue d’Anjou, fréquenté par des écrivains, des historiens, des musiciens et des hommes politiques.

À la sortie des salons, les écrivains et les poètes avaient pris l’habitude d’aller boire un verre dans un local public. C’est pour cette raison que les cafés commencèrent à se multiplier et devinrent peu à peu le centre de la vie littéraire. Les poètes Crebillon et Piron, par exemple, se donnaient rendez- vous Au Caveau, un café ouvert par Landelle à la rue de Buci, et y composaient leurs poèmes
comiques. L’établissement s’installa ensuite dans une cave sous le jardin du Palais Royal, où apparut la mode des poèmes chantés. Pour finir, il déménagea au Rocher de Cancale, rue Montorgueil, où l’on pouvait aussi manger. Là, les poètes laissèrent la place aux chansonniers, qui animaient la soirée selon un programme figurant sur un dépliant, où se trouvait aussi le menu.

En 1878, Emile Goudeau, constatant que les jeunes poètes n’avaient pas moyen de faire connaître leurs vers si ce n’est qu’en les publiant à titre onéreux dans des revues, créa un espace où les auteurs pouvaient les réciter à voix haute. Il s’agissait d’un cabaret que Goudeau appela Hydropathes, sur la rive gauche de la Seine. Léon Bloy, André Gill et Jules Laforque, entre autres, y ont passé. Quant à Alfred Musset, il fréquentait le café Tortoni, sur le Boulevard des Italiens, dont il décrivit l’atmosphère. L’écrivain raconte que le café commençait à s’animer vers midi, avec l’arrivée des dandys qui entraient par la porte arrière pour ne pas se mêler aux « barbares », c’est-à-dire aux agents de la Bourse. La foule à proprement parler commençait à arriver vers deux heures de l’après-midi. Les Anglais allaient au Café de Paris alors que le Café Douix et le Club de l’Union étaient
réservés aux riches.

Après 1870 et les évènements de la Commune, les salons littéraires étaient devenus politiques.  
Leurs habitués prenaient parti, il y avait les nationalistes d’une part et les républicains d’autre part. Jules Lemaître faisait partie des premiers, Anatole France des seconds... Les poètes comme Baudelaire et les écrivains comme Champfleury, en revanche, fréquentaient les cafés de la bohème, comme le Momus, à la rue des Prêtres-Saint-Germain-l’Auxerrois.
Ces cafés, où l’on discutait d’art et de littérature, étaient souvent sales et enfumés, mais l’éternel manque d’argent des clients ne permettait pas d’en faire plus. Dans son livre « Les Scènes de la vie de bohème», Henri Murger décrit la vie qui s’y menait et celle du quartier, fait de ruelles pavées, sans numéros sur les maisons. Le cœur de la bohème se trouvait à la rue des Canettes, où Rodolphe, le protagoniste du livre de Murger, rencontrait Musette.

Les habitués de la brasserie des Martyrs représentaient un groupe varié et hétérogène, composé de journalistes, musiciens, poètes, dramaturges et acteurs de théâtre. Ils se retrouvaient dans la grande salle pour bavarder, puis se retiraient dans les salles plus petites pour écrire.
À la fermeture de la brasserie, après minuit, ils se rendaient tous au café Rat Mort. Le Buci était un autre café très prisé des écrivains.  

La période qui précède immédiatement la Première Guerre Mondiale, connue sous le nom de Belle Époque, fut particulièrement brillante pour Paris. Le nom indiquait la vie animée de la capitale et les nombreuses expériences artistiques qui s’y déroulaient.
Les salons avaient retrouvé leur importance, Proust avait fait ses débuts dans celui de la comtesse Greffulhe, qui inspira plus tard le portrait de Madame de Guermantes. Après la Première Guerre Mondiale, le centre de gravité du Paris littéraire s’était quelque peu déplacé. Jusqu’alors, la rive gauche était le symbole de la liberté d’esprit et de l’activité intellectuelle et artistique. Après la guerre, on retrouve ce centre vers la place des États-Unis. Au numéro 8 se trouvait le salon de la duchesse Edmée de la Rochefoucauld, considéré comme l’antichambre de l’Académie française. Au numéro 11 en revanche, se trouvait celui des conjoints Marie-Laure et Charles de Noailles, fréquenté entre autres par Cocteau.

D’après les stéréotypes qui s’étaient créés, simplifiant et déformant quelque peu la réalité, la rive gauche de la Seine était synonyme de misère et de vie bohème, alors que la rive droite appartenait à un mode de vie et de culture bourgeois, accompagnés de la réussite sociale, des affaires et des honneurs. Les surréalistes ont été les premiers à s’insurger contre ce schéma rigide. André Breton, poète, essayiste et théoricien du surréalisme, favorisé par les manifestes et les expositions, disait que la rive droite des quartiers boursiers et des affaires était aussi mystérieuse qu’obscure alors que la pittoresque rive gauche des cafés de Saint-Germain et de Montparnasse n’était que pure fantaisie. C’est pourquoi, lors de ses parcours initiatiques, Breton privilégiait la rue La Fayette, alors que Louis Aragon se dirigeait vers le parc des Buttes-Chaumont. Philippe Soupault se rendait à la Chaussée d’Antin et Benjamin Péret déambulait le long du boulevard de Sébastopol.

Le surréalisme était un mouvement révolutionnaire et, en tant que tel, avait l’intention de dénoncer les erreurs du capitalisme et de déclarer l’échec de l’ordre établi, qui devait être anéanti.
Les écrivains qui en faisaient partie étaient sensibles aux signes et au merveilleux en ville et considéraient Les Chants de Maldoror d’Isidore Ducasse comme leur texte de référence. Les rues habitées par l’auteur, celles de ces errances – rue Notre-Dame-des-Victoires, rue du Faubourg-Montmartre, les passages de l’Opéra, des Panoramas, Jouffroy et des Princes – étaient devenues les mêmes que celles fréquentées par les surréalistes. Les déambulations de Maldoror sont pleines d’énigmes, de rencontres nocturnes insolites avec des animaux mystérieux... L’un des lieux de rencontre des surréalistes était le café du Commerce, qui joua un rôle fondamental dans l’invention de l’écriture automatique et la création du cadavre exquis, ce jeu collectif où il faut composer une phrase ou un dessin sans tenir compte des précédents. Dans ce local, l’imagination atteignait des sommets, devant un apéritif qui consolidait leur complicité, autour de Breton, qui s’y rendait aussi assidûment qu’on va au bureau...

Le quartier parisien qui connut la plus grande gloire littéraire fut Saint-Germain-des-Prés, où une nouvelle philosophie vit le jour: l’existentialisme. Son fondateur fut Jean-Paul Sartre, fidèle toute sa vie durant au quartier environnant le rue Bonaparte, où il habitait. Il semblait qu’à cet endroit l’intelligence s’était cristallisée pour favoriser l’apparition d’un art de vivre particulier, d’une atmosphère différente. La passion intellectuelle et artistique s’exprimait dans les cafés la Coupole, le Flore, les Deux- Magots, la Closerie des Lilas, la Rotonde et la brasserie Lipp. Les écrivains se rendaient dans ces refuges chaleureux pour y travailler, prenant avec eux livres et manuscrits, y attendant l’avenir comme dans une sorte de salle d’attente.

Avec l’arrivée des promoteurs du Nouveau Roman, le comportement des écrivains dans la capitale changea. Il n’y avait plus de groupes, ni d’associations d’écrivains engagés dans les problèmes de société, dans les phénomènes du moment, ou liés à une revue littéraire.
On ne se retrouvait plus dans les cafés littéraires mais au domicile de l’un ou l’autre. Les textes de ces écrivains s’intéressent aux objets et à la réalité extérieure en y posant un regard semblable à celui de l’appareil photo. Ils
analysent la condition de l’homme dans la société moderne, basée sur l’industrialisation, la technologie et la science. L’écrivain et cinéaste Alain Robbe-Grillet faisait également partie de cette avant-garde.




Victor Hugo fait partie de ces écrivains qui invitent le lecteur à faire un voyage dans un Paris méconnu et souterrain, en partie réinventé. Dans Les Misérables, il s’est amusé à mélanger lieux réels et fictifs ainsi qu’à déplacer la localisation de certains épisodes qui se sont réellement passés.
Le trajet de Jean Valjean, évadé du bagne, jusqu’au taudis du boulevard de l’Hôpital où il habitait, ainsi que sa fuite à travers les égouts traversent des lieux aux noms en partie inventés. Hugo
prétendait avoir utilisé une carte de 1727, mais même sur celle-ci la disposition des rues et des places est différente. L’auteur a aussi fait connaître aux habitants l’univers insoupçonné des bas-fonds parisiens, des caves, des mines, des catacombes, des égouts...
À partir de 1830, par ailleurs, il tenait un journal intime dans lequel il écrivait les petits riens du quotidien ainsi que les grands événements, les récits de la vie publique, ses espoirs et ses réflexions.




Le Paris de Proust est celui de la rive droite de la Seine et de la partie occidentale de la ville.  
L’écrivain décrit de façon péjorative les quartiers éloignés de ceux qui lui sont chers. C’est le cas, par exemple, des Batignolles, un quartier qu’il associe aux voyous. Il le fait aussi avec la Villette, d’où vient le «mauvais garçon», le boucher à l’allure complaisante. Les Buttes-Chaumont est le
quartier sordide où Albertine allait «faire des trucs» avec ses amis de Gomorrhe. Quant à Swann, il mériterait mieux que le quai d’Orléans, où il habite, malheureusement si proche du quartier mercantile de la Halle aux Vins. Le Paris que l’écrivain chérit est celui de l’aristocratie, de la haute bourgeoisie, entre le parc Monceau, la place de la Concorde, Auteuil, le Bois de Boulogne et l’Étoile.
    
Gabrielle-Sidonie Colette était arrivée à Paris à vingt ans, fraîchement mariée à l’écrivain et journaliste Henri Gautier-Villars, dit Willy. Le mariage dura six ans, durant lesquels son mari fit écrire à Colette la série des romans Claudine. Après avoir été actrice de mime au Moulin-Rouge et aux Folies-Bergère, Colette épousa Henri de Jouvenel, rédacteur en chef du journal Le Matin, pour lequel elle devint collaboratrice. Ils restèrent mariés onze ans et c’est après leur séparation que Colette s’installa au Palais-Royal, un appartement humide et bas de plafond. Elle a dû le quitter à cause de l’humidité excessive mais y est retournée sept ans plus tard, dans un meilleur logement. Un des livres rédigés dans cette résidence est Paris de ma fenêtre, où elle décrit les années de guerre. Mais d’autres parties de la ville qu’elle aimait tant sont aussi présentes dans ces pages.

Gustave Flaubert n’habitait pas en permanence dans la capitale – il vivait à Rouen, en Normandie –  
mais il y séjournait quelques mois par an, au numéro 42 du boulevard du Temple. Il s’y trouvait en  
février 1848 lorsqu’éclatèrent les émeutes décrites plus tard dans l’
É ducation sentimentale. "Des
hommes à l’éloquence frénétique haranguaient la foule au coin des rues, dans les églises les cloches sonnaient àtoute volée; on versait du plomb, on pré
parait des cartouches. Les arbres des avenues, les vespasiennes, les bancs, les grilles et les lampes à gaz étaient tous arrachés. Le lendemain matin, Paris é tait plein de barricades". Dans la capitale, Flaubert rencontrait George Sand, Gautier et les frères Goncourt. Ces derniers ont décrit de manière perfide une soirée passé e avec lui dans leur Journal: "D'une voix mugissante et sonore, il a lu pendant des heures le Salammbô, avec un bref intervalle pour le dîner... " En 1869, suite à une augmentation de loyer de la part du propriétaire, l’écrivain déménagea rue Murillo, près du parc Monceau. Et après avoir dû sauver de la faillite le mari de sa nièce Caroline, ses séjours à Paris se sont faits toujours plus rares, faute de revenus.

Nerval fut sans doute le plus parisien des écrivains français. Pour lui, poète errant et noctambule, la ville était un lieu où la réalité se mêlait au rêve. Il travaillait là où il se trouvait, avait de nombreuses résidences mais n’en habitait aucune. Il se mettait à écrire sur des feuilles volantes dans un café et semait ses pages un peu partout. Ses amis, quand ils le pouvaient, les lui ramassaient. Ses cafés préférés étaient ceux des Halles car ils restaient ouverts toute la nuit...
                 
Tout comme Nerval, Baudelaire était aussi un poète qui travaillait dans la rue. En marchant, il  
perfectionnait ses compositions puis rentrait dans sa demeure du moment – il changea au moins une cinquantaine de fois au cours de sa vie – et écrivait ce qui était déjà bien clair dans son esprit. De plus, il aimait le spectacle offert par les passants, le bourdonnement de la foule, la lumière des lampes à gaz. «La vie à Paris est pleine de sujets poétiques, que souvent nous ne voyons pas» disait-il. Il habita un temps à l’hôtel Pimodan, au numéro 17 du quai d’Anjou, sur l’île Saint-Louis..
Il avait tapissé les parois de tissus orientaux et la pièce était imprégnée de l’odeur de l’opium fumé entre amis. Il avait goûté pour la première fois à la «pâte verte», un mélange de haschisch, de sucre et d’arômes, au cinquième étage d’une maison située au numéro 3 de la place de la Sorbonne. Cette expérience lui avait donné l’impression de décupler sa créativité. Théophile Gautier, fondateur du club des Hachichins, habitait dans le même immeuble. Ses membres recherchaient «l’électricité intellectuelle». Dans les Paradis artificiels, il décrit les enchantements et les tortures de la drogue qui ont nourri son travail poétique mais qui l’ont aussi conduit à une mort prématurée.
En suivant l’itinéraire de ses résidences, on partirait de la rue Hautefeuille, près de la Sorbonne, où il naquit. Il fut baptisé à Saint-Sulpice, fréquenta le lycée Louis-le-Grand puis habita successivement à la rue Saint-André-des-Arts, rue du Bac, rue des Saints-Pères et à bien d’autres lieux encore. Il avait composé ses poèmes au café Tabourey, près de l’Odéon, à la Closerie des Lilas ou sur les rues du Luxembourg. Ses poèmes, regroupés sous le titre Les Fleurs du Mal, furent condamnés pour délit d’outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs. Baudelaire fréquentait
aussi avec assiduité les cafés cosmopolites de la rue de Rivoli, où il s’était mis à apprendre l’anglais pour pouvoir traduire Edgar Allan Poe, son modèle. Pour Poe également, le fantastique était l’essence même de la réalité.

Pour Balzac, la ville était un labyrinthe où il fallait chercher les chemins à attribuer à ses personnages. Sa représentation de la capitale et de ses habitants fait désormais partie de notre imaginaire. C’est grâce à lui que nous connaissons les misères et les souffrances, mais aussi les choses belles du Paris de l’époque. Son regard avisé nous fait part d’une ville qui possède un grand pouvoir de suggestion. Il brosse un tableau de l’existence menée par les différentes catégories sociales
: les riches, les pauvres, les artistes, les marchands, les ouvriers, les avocats, dont il décrit les besoins, les coutumes, les excès, les dépravations, les mérites, les médiocrités...  «Ô Paris, Paris! Tu es la vraie Babylone, le vrai champ de bataille des intelligences, le vrai temple où
le mal a son culte» écrivait-il. Toutefois, sa vision partait toujours d’une observation minutieuse de la réalité, dont il racontait les contradictions. « À force de s'intéresser
àtout, le Parisien finit par nes'intéresser àrien, il prend tout avec passion pour tout abandonner aussi vite.
À Paris aucun sentiment ne résiste au cours des choses, le courant de la nouveauté oblige à un changement brusque. Tout est toléré: le gouvernement, la guillotine, la religion... Mais de cette multiplicité d’activités et d’intérêts sans cesse renouvelés naissent les améliorations quotidiennes, les prodiges de l’art et de la science.            
 
Dans les années où Balzac écrivit ses romans, Paris prenait des dimensions gigantesques. La population augmentait de façon démesurée, les bâtiments se multipliaient, les premiers grands magasins ouvraient leurs portes, le monde de la finance et de l’industrie se développait et les premières grandes usines voyaient le jour. Une partie de la société resta en marge de ces changements et se prolétarisa, la démesure coexistait avec la misère, comme l’a raconté Alexandre Dumas dans son livre Les Mohicans de Paris. Eugène Sue, auteur des Mystères de Paris, a décrit les tristes conditions d’une grande partie de la population française au XIXème siècle. D’après l’écrivain, la société de son époque était incapable de condamner les véritables criminels et en
même temps d’aider ceux qui avaient grandi dans la misère sans pouvoir en sortir. Les hommes de pouvoirs, les banquiers, les notaires ne pensaient qu’à leurs propres intérêts et représentaient un obstacle pour le développement des classes inférieures. Dans certains quartiers, les rues étaient totalement sombres, remplies de lieux malfamés, fréquentés par des personnages comme le Chourineur, le meurtrier...

Cette période voit également l’apparition du roman policier où est révélé le visage dangereux de la ville. Balzac lui-même, dans Une ténébreuse affaire, parle d’un mystérieux complot, des invraisemblances de la situation, de la vérité seulement apparente et décrit aussi comment les agents entrent sans respect dans la vie privée des gens. Dans Ferragus, écrit en 1833, l’écrivain attribue une qualité humaine à chaque rue. On trouve ainsi les rues déshonorées, les rues infâmes, les rues
respectables, les rues industrielles, les rues commerçantes, les rues meurtrières et les rues toujours  
sales. La ville est « une monstrueuse merveille, stupéfiant ensemble de mouvements, machines et pensées» et le moment le plus fascinant est celui où elle se réveille, quand les portes tournent sur leurs gonds et que peu à peu le mouvement envahit la rue.
À midi tout est animé, les cheminées fument, les mille pattes du monstre s’agitent... Dans La fille aux yeux d’or, Balzac décrit le mode de vie et les rapports entre les différentes classes sociales de la capitale. Paris ressemble à un grand champ secoué par une tempête d’intérêts, où s’agite une moisson d’individus qui, au lieu de visages,
ont des masques sur lesquels sont peints la force, la misère, la joie, la fragilité, l’hypocrisie, la cupidité... C’est la ville qui déforme ses habitants, qui modifie le rythme de leur vie... La ville est comme «un enfer où tout fume, tout brûe, tout brille, tout bouillonne, tout flambe, s’évapore, s’éteint, se rallume, étincelle, pétille et se consume...

Émile Zola disait vouloir se situer entre Balzac et Victor Hugo, deux écrivains qui semblaient avoir déjà tout dit. Il lui fallait donc, pour se différencier, trouver un nouveau champ d’investigation. Il le fit à travers l’histoire d’une famille, celle des Rougon-Macquart, sous le Second Empire. Dans cette série de vingt romans, il y a aussi l’histoire sociale de la capitale, avec la corruption, les ambitions du pouvoir, la répression des humbles et de ceux qui se rebellent contre la tyrannie... Le Paris dans lequel vivait Zola était celui des grands travaux de Haussmann, du bouleversement des grandes artères mais aussi des violents affrontements entre les classes sociales.
À cette époque, on commence à parler du peuple des banlieues, des ouvriers d’usine, jusqu’alors ignorés. Les livres de Zola ont une prétention scientifique, il étudie la capitale comme s’il s’agissait d’un être vivant dont il examine les organes. Le Ventre de Paris, troisième roman de cette série, est une métaphore pour décrire la société. L’action se déroule au marché des Halles, dépeint comme un lieu monstrueux où n’existent ni empathie, ni compassion, mais seulement jalousie, méfiance, intrigues et mesquineries.

Huysmans est l’un des auteurs qui a décrit les beaux quartiers mais aussi les plus défavorisés et les plus malfamés. Pèlerin infatigable du Quartier latin, des quartiers pittoresques de la rue Mouffetard et des Gobelins, il se rendait aussi dans les taudis lugubres, accompagné d’un garde de corps. Les jours de pluie, il s’arrêtait au Café Anglais, rue Rivoli, et profitait de l’atmosphère. Huysmans était sensible à la magie des lieux et était attiré par l’exaltation de l’esprit. Il visitait les maisons closes, fasciné par les prostituées, et visitait les églises dans le silence desquelles il méditait. Il passa sa vie à s’imprégner de toutes les passions, sacrées et profanes, pour les transmettre ensuite dans ses livres, au ton descriptif prononcé.

   
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